• Le King Kong féminisme de Virginie Despentes

    C'est l'actuOn a beaucoup parlé de Virginie Despentes  cette année à l'occasion du prix Renaudot qu'elle a reçu pour son dernier roman Apocalypse bébé. Cette actualité m'a donné envie de lire son essai King Kong Théorie lequel se veut un manifeste féministe, un manifeste pour un féminisme pro-sexe, bien connu aux Etats-Unis, plus discret en France.

    Se fondant sur ses expériences personnelles pour mener sa réflexion, dans un parler cru et direct, Virgine Despentes aborde successivement trois thèmes : le viol, la prostitution et la pornographie.

    Pour chacun de ces thèmes, Virginie Despentes oppose ce qu'elle considère être la norme bien pensante, communément admise, et sa vision à elle, novatrice voire dérangeante, à travers laquelle elle tisse sa représentation des rapports hommes-femmes et de ce que devrait être le féminisme aujourd'hui.

    J'ai été particulièrement convaincue par le chapitre sur le viol dans lequel Virginie Despentes (elle même victime d'un viol dans sa jeunesse parce que "ça arrive tout le temps") analyse comment la société propose aux femmes de se sortir de ce traumatisme par l'oubli, manière de faire disparaître cet évènement.

    Aujourd'hui encore, ce sont les victimes de viol qui doivent avoir honte et non les agresseurs et le meilleur moyen de s'en sortir serait de taire ce viol. On invite les femmes à encaisser, à aller de l'avant en faisant en sorte que ça ne se reproduise pas : rester chez soi ou discrète, être dégoutée du sexe, prendre 20 Kg...

    Au contraire, Virginie Despentes apprend à l'assumer, à sortir (vivre) quand même et à se défendre, y compris par la violence qui ne doit pas être l'appanage des hommes. Elle analyse comment les femmes sont culturellement conditionnées pour être des victimes sans défense - "C'est le projet de viol qui refaisait de moi une femme quelqu'un d'essentiellement vulnérable. Les petites filles sont dressées pour ne jamais faire de mal aux hommes, et les femmes rappelées à l'ordre chaque fois qu'elles dérogent à la règle." - et les hommes pour avoir une sexualité uniquement pulsionnelle, incontrolable - "Le viol c'est le propre de l'homme" - d'où le nécessaire recours à la prostitution qui lui permettrait de décharger ce qu'il ne pourrait dominer.

    Le chapitre sur la prostitution m'a fait réflechir, moi qui pense être plutôt abolitionniste mais qui, en fait, n'a pas vraiment tranché, faute sans doute de connaître vraiment le sujet. Virginie Despentes y défend une prostitution libre, choisie, opérant par internet et correctement rémunérée. Selon elle, ce type de prostitution serait bien plus courant que l'on ne le pense. 

    Virgine Despentes opère un parallèle entre cette prostitution et le mariage qui serait une autre manière de vendre ses services sexuels, de les échanger contre un certain confort de vie - "le contrat marital apparaît plus clairement comme ce qu'il est : un marché où la femme s'engage à effectuer un certain nombre de corvées assurant le confort de l'homme à des prix défiant toute concurrence. Notamment les tâches sexuelles".

    Loin de cette prostitution qu'elle défend, les médias ne donnent à voir que la prostitution sordide, celle des rues et de la périphérie, celles qui est subie par des femmes détruites, souvent sans papier, réduites à l'esclavage. En focalisant sur cette prostitution-exploitation, les médias oeuvreraient dans le sens de l'assignation des hommes et des femmes à leur rôles respectifs : épouses et dépendantes pour les unes, époux à la sexualité problématique, pulsionnelle, capable de détruire des vies, pour les autres.

    Au passage, Virginie Despentes rappelle que ce qui bouscule nos schémas culturels, c'est qu'une femme puisse pratiquer le sexe sans sentiments et qu'elle puisse y trouver son compte sans que ce soit dégradant.

    Puis Virginie Despentes se fait la défenseuse de la pornographie dans un chapitre un peu fourre tout et pas du tout convaincant. La pornographie plairait trop et c'est pour ça qu'elle serait censurée. Soit. Rien n'est dit, ou très peu, sur les rapports hommes femmes dans les films pornos, sur l'apprentissage d'une sexualité normée. C'est plutôt décevant.

    Au passage, on apprend que les hommes qui s'en prennent aux femmes "libres" sont ceux qui sont frustrés d'avoir un petite bite. Le stigmate de la femme qui doit être belle et séduisante pour avoir droit à la parole est retourné contre les hommes. C'est dommage. Comme si les hommes eux-mêmes n'étaient pas victimes de ce type de stéréotypes de genre, comme si les beaux et "virils" n'étaient pas capables d'actes sexistes.


    Malgré ces quelques réserves, ce livre est à lire absoluement. Pour ses pages puissantes où les représentations culturelles, l'ordre des choses, sont déconstruites de manière systématique. Aussi pour des réflexions pèle-mèle sur le statut de femme écrivain, sur la littérature masculine...


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